L’autrice et l’artiste peintre signent un ouvrage poétique sur la force de l’imagination.
Voici quelques mois, Manon Fargetton a proposé un nouveau projet aux éditions Milan. Une histoire d’ami imaginaire, un texte empreint de douceur, un peu mystérieux. Le souhait de l’autrice est de le faire illustrer par une artiste rencontrée fortuitement, Lili Wood, installée en Bretagne. Le résultat de leur collaboration est surprenant, audacieux, admirable. Chaque planche à la gouache de Lili Wood est une invitation au rêve et à l’errance, s’associant parfaitement à un texte au plus près de l’enfance. Rencontres.
Manon Fargetton, retour vers l’enfance
Après Le Très Grand Câlin, voici votre nouvel album jeunesse, J’ai un ami. Est-ce plus difficile d’écrire un texte court et poétique ou une série de romans young adult ?
Le temps d’écriture est plus court pour un album, ça, c’est certain. Mais est-ce plus facile pour autant ? Pas forcément. J’ai mis pas mal d’années avant de réussir à écrire un album jeunesse, à trouver mon propre équilibre dans cette concision, la bonne variation de ma voix pour de très jeunes lecteurs. Disons que ce sont des difficultés différentes.
Le thème de l’amitié semble vous tenir particulièrement à cœur.
Enfant, j’avais des amitiés fulgurantes qui ne duraient jamais. Je ne comprenais pas pourquoi. C’était comme si les autres avaient eu le mode d’emploi, et pas moi. Je me souviens de m’être dit, adolescente, que je me sentais plus attachée aux recoins de ma ville, aux lieux que j’aimais, qu’aux élèves de ma classe, avec qui je ne restais d’ailleurs jamais en contact par la suite. Ce n’est pas un hasard si je suis devenue romancière : c’est dans les livres que j’ai trouvé refuge pour explorer l’amitié sans risque de rejet. Alors, heureusement, j’ai aussi vécu à cette époque quelques amitiés essentielles. Et il y en a surtout de très précieuses dans ma vie d’adulte. Donc l’amitié, l’amour, les relations en général, oui, tout ça traverse mes textes. En tant qu’humains, on a un besoin vital de connexion. À d’autres êtres humains, à des animaux, ou bien, comme ici, à… Non, je ne vais pas gâcher la lecture de l’album !
Cette poésie de l’enfance vient-elle de vos propres souvenirs ou plutôt des rencontres avec votre jeune public ?
Je crois qu’en tant qu’enfant la poésie est notre premier langage. On s’émerveille d’évènements minuscules. On expérimente avec les mots bien plus que les adultes, qui ont intégré les règles de la langue. Donc ça vient probablement de ma propre enfance, même si les rencontres avec mes jeunes lecteurs m’offrent de délicieuses piqûres de rappel !
Pourquoi avoir choisi l’artiste Lili Wood, qui illustre votre texte avec de magnifiques planches à la gouache ?
Avec Aurélie, ç’a été une rencontre presque fortuite, à un événement qui avait peu à voir avec la littérature ou le dessin ! On a discuté, je ne connaissais pas son travail, mais, en rentrant chez moi, j’ai regardé. Et j’ai été scotchée. À la fois parce que son usage des couleurs me parlait, ses personnages minuscules dans les paysages, leurs ombres démesurées… mais surtout parce que j’avais l’impression de me promener dans mes paysages d’enfance, ceux de la côte entre Saint-Malo, où j’ai grandi, et Cancale, où, à l’époque, Aurélie venait de s’installer. Ça a déclenché en moi des envies d’écriture, je le lui ai dit, et je lui ai composé un texte sur mesure, avec l’envie, pour les illustrations, de ne surtout rien dénaturer, qu’elle reste au plus près de son travail de peintre.
Quels artistes et quels lieux vous inspirent ?
La mer reste un personnage principal de pas mal de mes textes – parce qu’elle a été un personnage principal de mon enfance, bien sûr. Je suis récemment revenue vivre sur la côte, et je ne sais déjà plus comment j’ai fait pour habiter loin de l’eau pendant si longtemps… Mais je crois que tous les lieux où on passe beaucoup de temps s’inscrivent en nous et rejaillissent dans l’écriture. Pour moi, c’est le cas de la Bretagne, de Paris et de l’Écosse. Quant aux artistes, la question est plus vaste encore, et je ne vais pas me risquer à citer des noms, ou il me faudra noircir dix pages de musiciens, de romancières, de sculptrices… Mais j’ai souvent des déclics visuels. J’ai écrit des romans entiers à partir de photographies. Donc ce n’est pas un hasard si les peintures d’Aurélie ont ouvert en moi une porte vers une nouvelle histoire.
Lili Wood, l’aventure de l’album jeunesse
Ma rencontre avec Manon s’est faite sur une plage, tout près de chez moi, lors de l’inauguration du bateau d’un ami commun, dont elle était la marraine.
Nous avons échangé quelques mots. Elle m’a parlé de son enfance à Saint-Malo, de ses journées à rouler dans les dunes et à s’inventer des tas d’histoires.
Je lui ai raconté ma passion pour ces paysages si inspirants, que je peignais chaque jour depuis que je m’étais installée ici avec ma famille.
Quelques temps plus tard, Manon m’a contactée.
Elle avait écrit un texte, inspiré à la fois de mon univers visuel et de ses souvenirs d’enfance sur les plages de Saint-Malo à Cancale.
J’ai été touchée par la poésie de ses mots, par la justesse avec laquelle ils faisaient écho à mon imaginaire.
C’était un vrai plaisir d’illustrer son texte, et de parcourir ce moment d’enfance avec elle.